Digital versus numérique, anglicisme ou juste mot ?

Il y a peu de temps, un lecteur de DOCaufutur nommé ‘Me Capelo’ remettait sur la toile l’éternel sujet du mot ‘digital’ versus ‘numérique’ ; il indiquait dans son commentaire « On ne dit pas digital mais numérique. A moins que vous ne fassiez référence aux doigts ?… » Polémique restée ouverte et remise régulièrement en avant, ce débat n’est-il désormais plus obsolète ?

Avec tous nos écrans tactiles et les interactions induites, le digital versus le numérique est-il encore un sujet d’actualité ? Autant se faire des nœuds au cerveau jusqu’au bout : le mot ‘digital’ ne serait-il pertinent que pour signifier digit – doigt/orteil comme on le trouve sur Wikipédia ? Digit serait synonyme de ‘chiffré’ et non de doigt pour le Larousse ; bref le problème n’est pas simple, nous l’avons compris. Une enquête s’avère donc amusante plus que nécessaire !

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Numérique ou électronique ?

Ces deux termes, nous explique le Ministère de l’Education Nationale sont employés indifféremment, mais ont aussi des connotations différentes. Alors que le terme numérique évoque davantage l’idée de contenu, le terme électronique évoque davantage une technique support. Qu’en est-il pour les mots numérique ou numérisé bien chers à nos professionnels de la gestion documentaire et de l’éditique et souvent employés l’un pour l’autre. En ce qui concerne les livres, le Ministère de l’Education Nationale dit que ces termes semblent désigner deux types de livres avec deux statuts différents :

  • le livre numérisé correspond à un fichier à lire, identique à la version papier (par exemple en format PDF).
  • le livre numérique est spécialement conçu pour un usage en ligne, intégrant des outils de navigation et du multimédia, supposant une lecture interactive.

The phrase Words Are Powerful written by hand in white chalk on a blackboard as a reminder of the power of communication and language

Plongeons dans l’univers passionnant des mots

Si vous ne vous êtes pas encore précipité sur le nouveau dictionnaire historique de la langue Française d’Alain Rey, nous vous recommandons cet ouvrage. Plus de dix siècles de voyage dans la langue des idées, des cultures et des sociétés. L’histoire détaillée de 60 000 mots et de l’évolution de notre langue et de celles qui l’ont influencée. A 87 ans, Alain Rey, linguiste et lexicographe, figure emblématique de la rédaction des dictionnaires Le Robert et président du jury du Festival du mot livre un regard sur les périodes clés des évolutions de la langue, de la Renaissance à l’ère du numérique et jusqu’à l’actualité du XXIème siècle sous l’angle du français parlé sur les cinq continents.

Lors d’une interview au JDD il explique comment se fait le choix des nouveaux mots entrant dans le dictionnaire. Sur le plan technique, grâce à la numérisation, en recherchant la fréquence d’usage d’un mot et son appropriation par une partie notable de la population francophone. Il peut aussi y avoir des choix idéologiques autour par exemple de l’importance du concept. « Le dictionnaire n’a pas le droit de passer à côté de certains termes même si cela crée la polémique. » Il insiste sur le rôle même du dictionnaire qui n’est pas un conservatoire mais un observatoire. Il doit donner « une image raisonnablement juste de la vérité de l’usage social de la langue… Les enfants disaient « t’es un bouffon », ils disent maintenant « t’es un bolos », donc nous gardons les deux! » Pour lui « l’informatique est un cas d’école, avec la nouveauté des choses qu’il produit. Quand on a créé le mot « ordinateur », on a d’ailleurs fait une très belle opération par rapport à l’anglais « computer ». Car l’ordinateur est plus un metteur en ordre qu’un compteur! » Le linguiste n’aime pas les anglicismes de passivité « je déteste les anglicismes inutiles, les followers par exemple, je trouve ça ridicule, alors qu’on a des mots français pour exprimer ça » dit-il à JDD. « Je déteste aussi les mots inutilement prétentieux comme « la bureautique » ou un « immeuble intelligent ».

Bref vous l’aurez compris il s’agit avant tout de s’adapter intelligemment à notre univers et ne pas rétropédaler au risque de se retrouver sur les fesses.

Utilise-t-on le mot « digital » par nécessité, pour décrire un univers connu de tous en tant que tel, par paresse ou encore uniquement par effet de mode ? Ne serait-ce pas pour simplifier la compréhension entre professionnels internationaux ? Le monde de l’Internet a accéléré ce besoin de cohésion globale et de facilité d’échange. Il n’en demeure pas moins vrai que « digital » est dorénavant dans toutes les bouches et décrit un unique concept. Dans la grande symphonie de la mondialisation, de l’informatique et du numérique, le « digital » a obtenu ses galons pour entrer dans notre vocabulaire, ne croyez-vous pas ?

corinne-portrait3Corinne Estève Diemunsch, CMO de Limonetik, Co-fondatrice de TiKibuzz, éditeur du répertoire des métiers et des acteurs du document et créatrice de DOCaufutur.fr

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